Perl oder Pica

Perl-oder-PicaJeune adolescent de 12 ans, Norbi vit à Esch/Alzette avec ses parents et sa sœur. Nous sommes en 1962 et l’éducation est encore rigide : entre un professeur distribuant facilement les claques et un père maniant la baguette et les préceptes religieux pour se faire obéir, Norbi et sa sœur Josette doivent se plier à des règles strictes. Norbi doit de plus faire régulièrement face à son incontinence nocturne, soignées par le pendule du médium Meyer, et les brimades de ses camarades. Mais bientôt, le jeune garçon se passionne pour cette lettre «P» qui rythme mystérieusement le livre de comptes de la papeterie familiale.

Il enquête sur le nouveau locataire, Pinato, qu’il croit coupable du meurtre qui a eu lieu à quelques rues. Mais ne serait ce pas également un code pour désigner les allemands nazis, ou leurs collaborateurs luxembourgeois, que le père semble tant mépriser ? Il refuse d’ailleurs que son fils fréquente Fred, un adolescent dont le père serait l’un des leurs, un «Gielemännchen»…

Alors Norbi, entrainé par son nouvel ami, se venge et peint le mot «Gielemännchen» sur la devanture de la boutique familiale. Blessé par l’accusation, le père défend son honneur devant ses clients. Mais dans l’intimité, cela ne va pas mieux : son épouse, la discrète Irène, lui reproche d’être trop autoritaire avec leur fille de 16 ans. Norbi comprend peu à peu : le «P» n’est rien d’autre que « période», c’est-à-dire la surveillance des signes que sa sœur n’est pas enceinte ! L’adolescent est furieux contre les adultes qui l’ont berné, selon lui. Et lorsque Meyer revient pour trouver le coupable de l’inscription diffamatoire, Norbi ne nie pas et avoue tout à son père en l’accusant d’être intolérant. Cette opposition fait grandir Norbi, qui s’apprête cette fois à passer des vacances scolaires plus libres.

L’ensemble se révèle extrêmement divertissant et surtout charmant

Adapté d’un best seller signé Jhemp Hoscheit, Perl oder Pica, Petits Secrets apparaît comme une chronique familiale, située dans les années 60, dans une petite ville industrielle typique du sud du Luxembourg. Le cinéaste Pol Cruchten, connu pour avoir filmé le Michael Jackson History Tour, mais aussi Black Dju et Boys on the run, un long-métrage d’aventure tourné aux Etats-Unis en 2001, nous livre donc ici sa toute dernière mise en scène. Celle-ci a déjà remporté le Prix du Public du Cinéma Luxembourgeois et s’est classée parmi les dix meilleures entrées de l’année au box-office national. La découverte d’une très belle aventure.

Ces Petits secrets nous font penser à de nombreux cinéastes français. Parmi eux, Yves Robert, François Truffaut, Claude Berri ou bien encore Gérard Jugnot. Il s’en dégage en effet un regard sur la vie à la fois simple et réaliste, entre émotion et drôlerie, le tout sur fond d’une grande humanité. En outre, le réalisateur ne tombe pas dans la reconstitution historique « pompeuse », lisse et dénuée de toute âme. Au contraire, il se laisse aller à quelques fantaisies, et prend notamment la liberté d’apporter un point de vue original voire très personnel concernant l’apparence de certains personnages. Ainsi, la tante du jeune Norbi présente une extravagance d’une étonnante fraîcheur, de par ses costumes excessivement colorés mais aussi une coupe de cheveux que les Frères Farrelly n’auraient certainement pas dénigré.

Par la suite, Pol Cruchten demeure conventionnellement sage. Sa mise en scène se révèle plutôt sobre, et l’homme dépeint les différents personnages en se rapprochant au plus près de leur physique et de leur nature. Il en résulte tout de même une efficacité redoutable. On a ainsi l’impression de « lire » une sorte de journal intime, empli de sincérité et d’innocence juvénile.

Contre toute-attente, l’enfant est interprété par Ben Hoscheit, le propre fils de l’auteur. Mais bien plus qu’un simple pistonnage, l’acteur se montre ici particulièrement talentueux, d’une justesse et d’une précision implacables. Il fait également preuve d’une maturité surprenante. Ainsi, lorsqu’il commence à se rebeller contre l’autorité parentale, et particulièrement son père, il dégage une redoutable crédibilité, ce qui est souvent rare chez les jeunes comédiens de son âge. Le reste du casting se révèle d’ailleurs du même acabit. La famille de Norbi ainsi que son professeur forment des personnages truculents, entièrement dévoués au service de l’histoire. Dès lors, le spectacle est total, et il ne reste plus qu’à se laisser embarquer par ces «souvenirs» enfantins.

On rigole, on s’attendrit… Et surtout on se retrouve. Notre enfance réapparaît grâce à la magie du Septième Art. Cet enfant ressemble à celui que nous avons tous été. Petits secrets se regarde avec beaucoup de plaisir, qui ne demande qu’à être partagé…

SOURCE:  dvdrama

L’entretien avec Pol Cruchten

Etes-vous à l’origine du projet PERL ODER PICA?
Non, le projet m’a été proposé. On m’a soumis le livre PERL ODER PICA, une sorte de bestseller luxembourgeois si je peux dire ainsi. Le livre m’a beaucoup plu et j’ai accepté d’en faire l’adaptation. Je crois aussi, que l’on peut faire un bon film sans être nécessairement à l’origine du projet.

Le film se situe en 1962. Pourquoi avez-vous choisi cette ville du Sud du Luxembourg comme lieu?
Déjà, parce que l’histoire se situe à Esch-sur-Alzette. De plus, nous y avons trouvé le magasin qui a servi de décor au film tel quel, inchangé par le temps.

Est-ce que le fait d’avoir un budget serré a été contraignant pour le tournage concernant la reconstitution de l’époque, les costumes, le maquillage, les décors?La contrainte peut aussi se transformer en un avantage, regardez les séries B des années 50. J’ai dû effectivement faire attention et tourner le moins de plans larges possibles. Ce qui est le plus important sur un film, c’est la préparation. J’ai fait beaucoup de repérages avec mon assistant pour trouver des lieux qui fonctionnaient dans le film. Recréer une époque a toujours des risques et je crois que la simplicité des décors a contribué à la qualité du film.

Comment avez-vous trouvé le petit garçon Ben Hoscheit, dont c’était le premier rôle? Le choix n’est-t-il pas difficile au Luxembourg pour les comédiens enfants?
J’ai vu environ 500 enfants avant de me fixer sur Ben. Ben avait toutes les qualités que je recherchais et il était surtout très naturel devant la caméra. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que Ben est le fils de l’écrivain du livre. C’était un peu un hasard, il s’est présenté au casting et après plusieurs essais je l’ai choisi et je le trouve incroyable dans le film.

Vous avez tourné avec des acteurs luxembourgeois et aussi avec des enfants. Comment mettez-vous les acteurs en confiance sur un plateau?
J’essaie de créer une atmosphère sur le tournage qui met les comédiens à l’aise. A mon avis on ne dirige pas un comédien mais on l’accompagne. J’ai beaucoup appris avec Philippe Léotard (BLACK DJU) qui était un comédien avec un instinct incroyable. On ne pouvait pas tricher avec lui, il était toujours à l’affût mais toujours au service du film. Faire des films est un peu comme chasser des papillons, ça demande beaucoup de patience.

Les «looks» de la tante et de la mère sont extraordinaires. D’où avez-vous tiré votre inspiration?
L’inspiration est venue en regardant beaucoup de documents de cette époque. Tu voyages dans le passé. On n’a pas recréé de coiffures ou look de l’époque, mais plutôt cherché à composer avec les documents récupérés et notre propre imagination. Il n’y a rien de pire qu’un film d’époque qui ressemble à une visite de musée.

Pol Cruchten avec Yan Gillen sur le torunage de Perl oder Pica

Pouvez-vous nous raconter vos meilleurs souvenirs de ce film?
Le meilleur souvenir est d’avoir découvert que le travail avec les enfants est en fait très facile. Normalement on dit que les films avec les enfants, c’est très compliqué. Chaque jour j’ai découvert le contraire et j’ai tout simplement pris un plaisir fou à filmer. Je crois qu’au Luxembourg, il y a encore beaucoup de comédiens de talent. Les accompagner fut un bonheur pour moi.

Michel Cieutat, Journaliste, écrit dans le livre «Letzebuerger Kino» sur vous «Cruchten n’a pas, semble-t-il, d’univers personnel, mais il est de toute évidence un réalisateur doué, capable de fondre ses connaissances techniques et esthétiques dans tout sujet qui se présente à lui. Mais la tentation de l’esbroufe visuelle le guette» Qu’est-ce que vous en pensez?
Je ne crois pas être tenté par le visuel, au contraire je cherche de plus en plus la simplicité. Mettre la caméra là où elle sert le plus le comédien et la scène. La simplicité au cinéma est très difficile à atteindre, il faut de nouveau être patient. Que je puisse me fondre dans chaque sujet est exagéré, il faut attendre la suite, mais je le conçois plutôt comme un compliment. J’aime beaucoup les réalisateurs américains qui travaillaient pour les studios et qui savaient aborder chaque genre avec grâce. Des gens comme André de Toth, Raoul Walsh, Jacques Tourneur, je ne veux pas me comparer avec eux, mais j’ai une admiration pour leur travail.

Pouvez-vous nous raconter vos rencontres avec Samuel Fuller, Joseph L. Mankiewicz ou Oliver Stone?
Fuller et Mankiewicz je les ai rencontrés à la Cinémathèque luxembourgeoise et notamment grâce à Fred Junck. C’est assez extraordinaire de manger avec Fuller en l’écoutant raconter ses histoires, les unes plus incroyables que les autres. C’était un vrai storyteller, et l’entendre parler de Bogart et Clark Gable touchait au sublime. Mankiewicz était plus réservé. Fred Junck avait trouvé et montré le premier film de Mankiewicz en tant que scénariste, il était très émouvant. Je savais que je passais un moment inoubliable. Oliver Stone, je l’ai rencontré quand il faisait la promo pour « Born Natural Killers ». Stone, par contre n’est pas très humble, mais il a aussi un côté très drôle, finalement attachant. Mais la rencontre qui m’a le plus touchée, c’est celle avec Fuller.

Vous avez tourné 4 longs métrages : NUIT DE NOCES, BLACK DJU, BOYS ON THE RUN et PETITS SECRETS. Si vous deviez choisir un plan de chacun de vos films, lequel choisiriez vous et pourquoi?
De Nuit de Noces, je prendrai le plan de fin. Un plan séquence avec une grue qui commence en gros plan sur le comédien pour se terminer en plan large. La caméra bougeait dans une des prises de vues, mais c’est finalement celle-là qui a été choisie, il y avait une émotion sur le visage du comédien qui n’était pas dans les autres prises. Je crois qu’il ne faut pas chercher la perfection dans le cinéma, la perfection est austère, les plus beaux moments sont ceux qui arrivent sans qu’on les ait vraiment cherchés. Pour BLACK DJU, il n’y a pas un plan, mais toutes les séquences avec Léotard. Philippe, dont c’est le dernier film, a donné tout au long du film une performance incroyable. Il était tout simplement toujours juste. Pour son frère, c’est d’ailleurs sa meilleure performance. Dans BOYS ON THE RUN, c’est le plan où un adolescent pointe un fusil vers le méchant du film. Ce plan est à mon avis terrible parce qu’un adolescent avec une arme est une image terrible. Le film montre la violence des Etats-Unis et les armes à feu en vente libre qui font partie de la société américaine. Sur Petits Secrets, je choisirais chaque plan de Ben. Ben représente l’enfance dans ce film, bientôt il va devenir un adolescent. Cette innocence enfantine se lit sur son visage et cela m’émeut beaucoup. Je citerais John Ford qui disait s’il n’y a rien à filmer, filmer le visage d’un être humain, c’est ce qu’il y a de plus beau, de plus intéressant.

Pouvez-vous nous dire sur quel projet vous travaillez actuellement?
Je travaille sur deux projets en même temps. Une adaptation de la nouvelle de Edgar Allen Poe LE MASQUE DE LA MORT ROUGE, et un film sur les tournantes, c’est-à-dire un film sur le viol. Deux projets totalement différents.

Réalisation : Pol Cruchten
Scénario : Francois Dupeyron, Viviane Thill
Directeur de la photographie : Jerzy Palacz
Musique : Jean-Claude Nachon et Angélique Nachon
Durée : 86 minutes
Pays : Luxembourg
Date de sortie : 6 mai 2009 en France

Interprètes principaux: Ben Hoscheit, André Jung, Nicole Max, Anouk Wagener, Thierry van Werveke, Luc Feit, Myriam Muller, Marcello Mazzarella, Elena Arvigo, Johannes Silberschneider, Steve Karier, Loïc Peckels, Yan Gillen, Sam Hanbury, Christiane Rausch

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