Le film de Pol Cruchten a été sélectionné pour représenter le Luxembourg à la 87e édition des Academy Awards dans la catégorie «Best foreign language film award».
Il n’y avait que deux films éligibles cette année, «Heemwéi» et «Never die young», mais Luxembourg n’est pas tenu d’envoyer un film à Hollywood et la Commission nationale de sélection a jugé «Never die young», réalisé par Pol Cruchten et produit par Red Lion d’assez bon niveau pour défendre les couleurs luxembourgeoises dans la course aux Oscars, après «Doudege Wénkel», l’année dernière.
Composée de sept personnes représentant le secteur de l’audiovisuel, dont l’Union luxembourgeoise de la production audiovisuelle (Ulpa), l’Association des réalisateurs et des scénaristes (Lars), l’Association luxembourgeoise des techniciens de l’audiovisuel (Alta), le Fonds national de soutien à la production audiovisuelle et le Centre national de l’audiovisuel (CNA), la Commission a choisi ce film surprenant dans sa forme comme sur le fond.
«Je suis évidemment ravi de voir mon film sélectionné d’autant qu’il est assez particulier: entre le documentaire, puisque ce sont des faits réels, et la fiction», se réjouit le réalisateur. Ce film, qui a reçu le Prix du meilleur documentaire au Lëtzebuerger Filmpräis 2014, raconte l’histoire de Guido Peters, qui a lutté toute sa vie contre sa dépendance à la drogue. «Je ne le dis pas souvent, mais il s’agit de mon cousin, avec qui j’entretenais une relation extraordinaire. J’allais souvent le voir dans le centre médical où il vivait, et chaque fois il me racontait de nouvelles anecdotes sur sa vie. Je me suis dit qu’il fallait en faire un film.»
Pension à Arlon puis la drogue
Né à Pétange en 1959, Guido est envoyé en pension à Arlon à l’âge de 12 ans. Trois années d’internat interminables. De retour à Pétange, son comportement change, il devient sauvage et hostile et découvre la drogue à 15 ans. De plus en plus dépendant, il se lance dans le trafic d’héroïne. Conséquence directe, il attire l’attention de la police et cinq ans plus tard, la situation est désastreuse.
Un jour, Guido, tentant d’échapper à la police, saute un mur de huit mètres de hauteur. Il survit, mais reste paralysé. Malgré l’accident, sa dépendance persiste. En fauteuil roulant au centre de rééducation, il parvient encore à s’approvisionner. Désespéré, il tente de mettre fin à ses jours, et là encore il échoue. Seul, il décide d’arrêter.
Un réel dénaturé
Par pudeur, Pol Cruchten ne voulait, dans un premier temps, pas réaliser lui-même le film, mais Guido l’a convaincu. «Mon cousin est malheureusement décédé sans même avoir vu une image.» Le réalisateur a choisi un traitement particulier qui s’applique à «dénaturer le réel»: les personnages portent des masques, le texte est porté par des voix off (les comédiens français Robinson Stévenin et Laurence Côte) et l’image est très travaillée, avec parfois très peu de vie.
«Je me suis beaucoup inspiré du cinéma muet où un immeuble ou une route étaient capables de véhiculer de très fortes émotions. Aujourd’hui, je trouve les films trop bavards, trop découpés.» Tout le film a été tourné au Luxembourg, essentiellement dans le sud du pays. «Le film est plus que jamais luxembourgeois! J’ai tourné dans tous les décors disponibles: le tribunal, les champs, la gare, les trains… C’était important pour moi que les décors soient authentiques.»
Quant aux masques, l’idée est d’évoquer «à la fois l’anonymat et l’universalité, la peur et l’amusement», une image vue chez le photographe américain Eugene Meatyard. Si les thématiques de la drogue et de l’addiction sont souvent filmées au cinéma, ce film apporte un traitement très personnel, poétique à ce délicat sujet. «Il ne s’agit pas de militer ou de faire passer un message», conclut Pol Cruchten avec cette citation d’Hitchcock, «un cinéaste qui souhaite faire passer des messages ferait mieux de travailler à la poste».
Le film sortira en salle le 24 septembre 2014.
Source: paperJam